LE CHANVRE
PRODUCTION
Longtemps d'une faible envergure en France, la production de chanvre (cannabis sativa, cultivée pour ses graines et ses fibres) s'envole à partir de 1991 :
Grâce à cette montée en puissance, la France est ainsi devenue le premier pays producteur :
CULTURE
D'un cycle végétatif plutôt court, qui fixe son pic de croissance en juin, 
le chanvre tire plusieurs avantages :
  • une bonne tête d'assolement, favorable à la rotation des cultures
  • des besoins peu fréquents en irrigation mécanisée
  • un recours limité aux intrants
Sa culture présente aussi des avantages intrinsèques :
  • aucun besoin en substance phytosanitaire
  • des sols mieux aérés et retenant mieux l'eau
  • une biodiversité favorisée, notamment par la présence d'espèces hygrophiles et ombrophiles
TRANSFORMATION LOCALE
De la graine (10 % du poids) à la poussière (17 %), en passant par la fibre (28 %) et la chènevotte (45 %), tout le plant de chanvre fait l'objet d'une utilisation :
De solides structures (La Chanvrière de l'Aube pèse pour 50 % en France et 20 % en Europe) maillent le territoire :
L'ISOLATION CHAUX-CHANVRE
LA FIBRE DE CHANVRE
Comme la laine de bois, la ouate de cellulose, la fibre de chanvre est utlisée en vrac (injection, soufflage), sous forme semi-rigide (rouleaux) ou rigide (panneaux).

Tenant la comparaison sur la conductivité thermique et la résistance à la diffusion de la vapeur d'eau, les matériaux biosourcés dominent largement les matériaux minéraux par leur plus faible densité, leur chaleur spécifique et l'énergie grise qu'ils demandent :
La fibre de chanvre, sous ses différentes formes, sert à isoler les sous-faces de toit et les différents planchers.
LE CHAUX-CHANVRE
Pour un usage structurant, la chénevotte - la partie interne rigide de la tige - remplace la fibre.
Étant un agrégat végétal elle requiert alors la présence d'un liant minéral, ici la chaux hydraulique.
Si le chantier appelle de plus gros volumes, des malaxeurs
ou des machines à projeter spécifiques sont mis à profit.
L'ISOLATION CHAUX-CHANVRE
L'isolation chaux-chanvre repose sur le mélange de
1 ballot de chénevotte (normalisé à 20 kg = 200 l à ± 15 %),  1 sac de chaux (20 kg) et un volume d'eau à ajuster.
L'objectif est, ici, d'optimiser le pouvoir isolant de la chénevotte en l'associant au strict minimum de liant.

Lorsque l'isolation chaux-chanvre concerne les rampants, elle est déversée / projetée (1) ou préfabriquée (2)
L'isolation chaux-chanvre concerne aussi les planchers intermédiaires ainsi que les sols de combles perdus.
L'ENDUIT CHAUX-CHANVRE
L'ENDUIT CHAUX-CHANVRE
De par son utilisation verticale, l'enduit chaux-chanvre relève d'un autre contexte que l'isolant chaux-chanvre.
Comme pour tout enduit, il requiert une tenue sans faille : le mélange associe donc 4 sacs de chaux à 1 ballot de chénevotte (et un volume d'eau à ajuster).

La proportion accrue en liant réduit le pouvoir isolant de l'enduit chaux-chanvre, qui est un correcteur thermique.
Il conserve néanmoins l'ensemble des qualités reconnues au béton de chanvre (voir la rubrique suivante), à commencer par la sensation de "paroi chaude", ainsi qu'une gestion optimisée de l'humidité et de l'acoustique.
Son coût plus élevé, en raison de la présence accrue du liant, incite à en limiter l'épaisseur : optimisée à 5-6 cm, elle ne dépasse pas 8 cm.
L'enduit est projeté manuellement ou mécaniquement.
EN INTÉRIEUR
Tous les supports (béton, brique, pierre), en neuf comme en réhabilitation, peuvent recevoir un enduit chaux-chanvre.

Cet enduit, le plus souvent de 6 cm, est appliqué sur une couche d'accroche (le gobetis) en deux passes, la première faisant environ 3 cm d'épaisseur.
Vient ensuite la finition qui peut être lissée, talochée, épongée, ainsi que colorée, badigeonnée.
EN EXTÉRIEUR
En extérieur une contrainte supplémentaire est apportée par le caractère végétal de la chénevotte (c'est un élément crucial du béton de chanvre, vu dans la rubrique suivante).

Les enduits en extérieur sont obligatoirement recouverts par une couche de finition qui garantit l'imperméabilisation tout en préservant la perméance à la vapeur d'eau.

Le recours à une utilisation de l'enduit chaux-chanvre en extérieur n'est pas très fréquent, compte tenu des contraintes trop fortes, comparées aux avantages procurés par la solution du béton de chanvre.
LE BÉTON DE CHANVRE
Plusieurs éléments placent le béton de chanvre au cœur de la construction d'un bâtiment :
* la composition du mélange - 2 sacs de liant pour 1 ballot de chénevotte -, qui le situe à mi-chemin entre celle de l'isolation chaux-chanvre (1 pour 1) et celle de l'enduit (4 pour 1) ;
* ce mélange optimise ainsi la combinaison du pouvoir structurant du liant et des vertus isolantes de la chénevotte ;
* il gagne de fait à occuper une place prépondérante dans un projet de construction, en étant présent dans les murs, dans les sols et, parfois, dans le système de toiture.
LA FABRICATION DU BÉTON DE CHANVRE SUR LE CHANTIER
LES PROPRIÉTÉS DU BÉTON DE CHANVRE
CARACTÉRISTIQUES MÉCANIQUES
  • Son élasticité - soit la faculté du matériau à se déformer fortement sous contrainte - conduit le béton de chanvre à ne pas se fissurer, ni se fracturer.
  • Sa résistance à la compression - soit la capacité à supporter son propre poids -  est élevée en mur (0,6 à 0,9 Mpa mesuré contre > 0,2 exigé) et en sol (0,55 à 1,1 Mpa contre > 0,3).
ISOLATION THERMIQUE ET INERTIE
  • Sa résistance thermique - soit la faculté du matériau à s'opposer au passage de la chaleur - permet au béton de chanvre (λ = 0,067) de satisfaire aux exigences réglementaires.
  • Son inertie de transmission - soit la capacité à stocker (capacité thermique) puis à restituer (effusivité) l'énergie - du béton de chanvre accroît son aptitude au déphasage thermique.
COMPORTEMENT HYGROMÉTRIQUE
  • Sa résistance à la vapeur d'eau- soit la quantité de vapeur d'eau pouvant traverser un mur - place le béton de chanvre comme le béton cellulaire (Sd = 8) et devant la brique (13).
  • La capillarité de la chénevotte - qui peut absorber jusqu'à 4 fois son volume en eau - lui confère ainsi une grande capacité à stocker l'eau.
  • Le tampon hydrique - soit la capacité à échanger de l'humidité avec l'air ambiant et à en modérer les variations - ajoute aux facultés de déphasage du béton de chanvre :
  • La triple porosité - celle de la chénevotte, du liant et de la liaison chénevotte-liant - donne à la vapeur d'eau de circuler très activement dans le béton de chanvre.
  • Un comportement hygrothermique - la réaction face à une élévation/diminution de la température extérieure - particulier au béton de chanvre, qui présente un palier de 27° en témpérature intérieure, tandis que les autres matériaux présentent des pics (30° pour le béton cellulaire et 33° pour la brique de terre cuite).
  • Une régulation de la vapeur d'eau par le béton de chanvre qui s'oppose aux à-coups de l'humidité extérieure.
  • Un confort hygrothermique propice à une meilleure qualité de vie à l'intérieur :
COMPORTEMENT AU FEU
  • La réaction au feu classe le mélange chaux-chanvre de peu combustile à difficilement enflammable, producteur très limité de fumée et non producteur d'éléments enflammés.
  • La stabilité au feu d'un matériau repose sur trois valeurs - la résistance mécanique (R), l'étanchéité aux flammes (E) et l'isolation thermique (I) -, qui se résume par une valeur exprimée en minutes : le béton de chanvre en murs est EI240 , autrement dit il est stable pendant au moins 4 heures, soit le maximum possible (non porteur, R est ici sans objet).
PERFORMANCES ACOUSTIQUES
  • Une forte porosité ouverte  qui aide le béton de chanvre à tenir un rôle d'isolant acoustique (absorber les sons émis à l'intérieur et affaiblir les sons venant de l'extérieur).
  • Un coefficient d’absorption acoustique α proche de 0,8, d'où une bonne absorption des sons atmosphériques.
  • Un indice d'affaiblissement acoustique d'un mur en béton de chanvre brut de 27 cm mesuré à 45 dB par le CSTB.
PERFORMANCES SISMIQUES
  • L'élasticité qui caractérise le béton de chanvre intervient, en tant que complément très positif de structures rigides, face aux risque sismique.
LA MISE EN ŒUVRE DU BÉTON DE CHANVRE : LE SOL
Même si son utilisation en sol ne représente que 5 % des chantiers où le béton de chanvre est présent, cette solution garde toute sa pertinence, eu égard à ses vertus isolantes et à ses autres qualités précédemment exposées.
Deux impératifs s'imposent cependant, qui se retrouvent dans toute mise en œuvre du béton de chanvre :
  • La présence ou la confection d'un support porteur dans la mesure où le béton de chanvre ne présente pas un caractère porteur.
  • Une finition respectueuse de la perspirance du béton de chanvre, d'autant plus s'il est au contact d'un support peu propice à évacuer l'humidité ou la vapeur d'eau.
Selon que le sol se réalise sur terre plein ou en étage, la mise en œuvre préalable - avant de déverser/projeter le béton de chanvre et de régler la forme - varie sensiblement :
  • Sur terre plein, il convient de décaisser, d'installer les drains et de confectionner le hérisson (sur 20 cm).
  • En  étage il appartient de s'assurer de la portance.
Pour la finition, il n'y a en revanche  aucune différence, dès lors qu'il y a respect des impératifs liés à la perspirance : carreaux de terre cuite, pierre sur chape fraiche, plancher en bois.
LA MISE EN ŒUVRE DU BÉTON DE CHANVRE : LE MUR DE DOUBLAGE
De par son caractère non porteur, le béton de chanvre requiert - pour la réalisation de parois verticales - soit d'être adossé à une structure porteuse existante (en réhabilitation) ou à créer (construction neuve), soit de recevoir une ossature lui conférant alors un caractère porteur.

Dans le cas d'un mur de doublage, le structure porteuse doit être suffisamment rigide et apte à absorber de l'eau ; suivant les cas - réhabilitation ou neuf - il s'agit :
  • En réhabilitation de murs en pierres, en terre (pisé, bauge, adobes) agrémentés d'une liaison mécanique supplémentaire, en colombage (suivant tout type de remplissage).
  • En construction neuve de bétons (en blocs ou banchés), de briques, de béton cellulaire, de pierres.
La réalisation du doublage s'effectue selon deux techniques :  soit par remplissage derrière une banche, soit par projection mécanique sur le support porteur.
MUR EN BÉTON DE CHANVRE BANCHÉ
Les banches sont, sauf rares exceptions, fixées temporairement pour être déplacées à mesure de l'élévation du mur.
Contrairement à l'usage en maçonnerie traditionnelle, le banchage du béton de chanvre présente l'avantage d'un débanchage en continu (sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre un séchage en surface), donc d'un gain de temps et de matériel favorables au chantier.
MUR EN BÉTON DE CHANVRE PROJETÉ
La projection mécanique, même si elle s'appuie sur la technique vue pour la réalisation des sols (composition du mélange, matériel), demande une maîtrise sans faille, en particulier dans la tenue de la lance de projection (angle, remplissage, etc.).
Si en réhabilitation une ossature est le plus souvent demandée, elle n'est pas indispensable en présence de supports porteurs dans le cas de la construction neuve.
LA MISE EN ŒUVRE DU BÉTON DE CHANVRE : LE MUR INDÉPENDANT
En tant que mur indépendant - mur de façade, mur de refend, cloison d'une certaine épaisseur - le mur en béton de chanvre exige la réalisation d'une ossature, destinée à se substituer à son absence de caractère porteur (aptitude à soutenir des appuis par son dessus) ainsi qu'à lui permettre de recevoir des ouvertures.

L'ossature est, dans l'écrasante majorité des cas,  constituée en bois - dans la suite d'une logique à vocation écologique comme dans les Maisons à Ossature Bois (MOB) -, mais d'autres matériaux sont parfois utilisés, comme l'acier ou le béton armé.
Mécaniquement l'ossature est placée en interne - ossature noyée, ossature déportée en périphérie extérieure / intérieure -, ou en externe (cas très rare).

Des solutions préfabriquées  - dont l'objectif est de réduire, à la fois la durée du chantier et le temps de séchage - se développent en parallèle : blocs manufacturés, pans entiers de mur.
OSSATURE NOYÉE
OSSATURE DÉPORTÉE
Outre le côté esthétique consistant - par choix - à cacher l'ossature, la solution de l'ossature noyée permet l'installation du coffrage des deux côtés du mur, ce qui en facilite le remplissage et rend son séchage plus rapide (1 cm par côté par semaine).
Des points de vigilance sont néanmoins à surveiller en raison d'une accessibilité moins aisée sous les éléments horizontaux.
L'ossature déportée vers l'extérieur optimise le recours à une projection mécanique, en ne laissant aucun endroit difficile d'accès.
Elle implique, en parallèle, une vigilance extrême quant au choix du contreventement extérieur, du séchage du mur et des liaisons entre les différents points.
L'ossature déportée vers l'intérieur valorise la technique de la projection mécanique et permet de fixer l'ensemble des éléments à l'intérieur (banche, contreventement, réseaux), tout en offrant une faculté accrue de séchage du mur en béton de chanvre.
BLOCS DE BÉTON DE CHANVRE MANUFACTURÉS
Fabriqués en atelier, puis transportés sur le chantier, les blocs de béton de chanvre visent à remplir les mêmes objectifs qu'en maçonnerie plus traditionnelle, comme de servir de doublage (intérieur et extérieur), de cloisons, d'éléments isolants.
Ils se présentent sous forme de blocs à maçonner ou de blocs à emboîtement.

Confrontés au caractère non porteur du béton de chanvre, ils sont associés à une structure porteuse (système poteau-poutre en bois, en béton traditionnel, en acier par exemple).
MURS DE BÉTON DE CHANVRE PRÉFABRIQUÉS
Les murs sont fabriqués à plat en atelier avec un cadre et un panneau plein en fond de coffrage dans lesquels est déversé le béton de chanvre.
Tous les réseaux sont directement intégrés au mur, de même que les ouvertures.
La finition intérieure - enduit, bardage, etc. - peut aussi être réalisée sur place.

Une fois séchés en atelier, les murs préfabriqués sont transportés sur le chantier, où ils sont mis en place au moyen d'un système de grutage.
UNE RÉHABILIATION À CAHORS
Menée dans le centre médiéval de Cahors, la réhabilitation s'est ainsi déroulée sous la double contrainte de l'architecture et de la logistique.
La maçonnerie existante - faite de pierres et de briques - a été isolée intérieurement par un doublage de 12 cm en béton de chanvre, tandis que le dernier niveau a reçu une ossature bois (douglas local) enrobée dans 19 cm de béton de chanvre.
Les finitions ont été réalisées en enduit de chaux ou en enduit de chanvre à l'intérieur et en enduit de chaux à l'extérieur.
UNE MAISON À SAINT-CHAMOND
Cette maison associe des éléments préfabriqués (blocs de béton de chanvre) à du béton de chanvre projeté (15 cm d'épaisseur) pour les murs et le gros œuvre, alors que la toiture repose sur une isolation de 46 cm en béton de chanvre.
Le sol est réalisé au moyen d'une dalle en béton de chaux.
Quant aux finitions, elles sont déclinées à l'intérieur autour de la chaux - sauf la cuisine qui est en enduit de chanvre -  et, à l'extérieur, en enduit de chaux projeté sur le béton de chanvre.
UNE MAISON EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Édifiée dans une région montagneuse et richement pourvue en bois de feuillus, cette maison associe une charpente en bois - au soutien de son toit plat végétalisé - à des murs en béton de chanvre.
Le bois est évidemment très présent à l'intérieur, tant en aménagement qu'en finition, même si un enduit à la chaux vient parfois en complément.
UNE MAISON MODERNE EN SERBIE
Cette maison - conçue par une agence suisse conjointement avec une agence serbe - marie une structure en ossature bois à une utilisation très large du béton de chanvre.
Celui-ci sert, en effet, à noyer l'ossature, mais aussi à assurer la finition intérieure des pièces (à l'exception des pièces d'eau, gérées à l'enduit de chaux).
Elle est -à ma connaissance et à mon goût - la maison d'expression architecturale la plus moderne, réalisée au moyen du béton de chanvre.
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