LA PIERRE MASSIVE
Il ne manque pas de bâtiments, suffisamment anciens et d'envergure pour avoir été construits en blocs de pierre qualifiés de "massifs"...
Pour autant - même s'il s'agit de pierre, même si le côté massif est évident - il ne s'agit pas forcément de pierre massive !

L'appellation "pierre massive" repose, en effet, sur des critères propres à garantir une construction qualitative et pérenne :
  • chaque bloc, qui est de forme unique (un monolithe), arrive sur le chantier après son extraction puis son façonnage en carrière ;
  • son épaisseur est d'au moins 8 cm pour un usage en parement et d'au moins 20 cm pour un usage en structure ;
  • enfin, certaines propriétés - la porosité, la résistance à la flexion, la résistance à la compression  - incitent à placer la pierre massive au cœur du mode constructif. 
LES PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTES PIERRES MASSIVES
QUELQUES DÉFINITIONS
  • La masse volumique apparente traduit la compacité et la masse d'un matériau.
  • La porosité ouverte donne la proportion de pores liés, donc tous accessibles à l'eau.
  • La résistance à la flexion indique jusqu'où le matériau accepte de se courber (son élasticité) en subissant une charge en toute sécurité.
  • La résistance à la compression indique l'aptitude à résister à la pression verticale uniaxiale sans déformation du matériau et jusqu'à sa rupture en toute sécurité.
De la résistance à la compression (RC) est tirée une typologie relative à la dureté des pierres, déterminante quant à leur utilisation :
Si RC ≤ 10 MPa = pierre tendre maçonnerie et ouvrages de taille         Si 10 < RC ≤ 40 MPa = pierre ferme revêtement de façades        Si RC > 40 MPa = pierre dure revêtement de sols
Les propriétés respectives des différents types de pierre massive militent en faveur de la polyvalence de la pierre calcaire, qui associe la plus forte porosité (prédominance entre 25 % et 35 %) à une masse volumique modérée, tout en offrant une résistance à la compression lui permettant de balayer tout le spectre (maçonnerie, façade, sol) du chantier.
LES QUALITÉS DE LA PIERRE CALCAIRE
UNE POROSITÉ ÉLEVÉE
La porosité ouverte, qui peut représenter jusqu'à près de la moitié de la masse volumique du matériau dans le cas des pierres tendres, offre un avantage considérable en vue de l'utilisation de la pierre massive calcaire en structure :
  • aptitude à recevoir l'humidité (et l'eau) pour la stocker sous forme gazeuse, d'où une isolation thermique naturelle ;
  • réseau dense des pores aidant à l'isolation acoustique par une absoption d'une partie des ondes extérieures ;
  • inertie présente tant sur le plan acoustique que thermique, précisément grâce à ce réseau de pores ;
  • gestion partielle de l'humidité intérieure, constituant une amorce vers une solution globale efficace.
UNE FAIBLE RÉSISTANCE À LA DIFFUSION DE LA VAPEUR D'EAU
  • À l'exception du béton cellulaire, dont c'est une des grandes qualités, la pierre calcaire présente un avantage considérable sur les autres matériaux ;
  • Cet avantage, jumelé à celui de la forte porosité, conduit à une gestion efficace de l'humidité ambiante (absorption de l'excès ou restitution en cas d'ambiance trop sèche) en jouant un rôle de tampon hygrométrique.
  • Forte porosité et faible résistance à la diffusion de la vapeur d'eau de la pierre calcaire sont à rapprocher - dans la perspective d'une construction saine et pérenne - des qualités observées au sujet du béton de chanvre.
UNE MASSE VOLUMIQUE MODÉRÉE
  • La pierre, visuellement et de par sa masse volumique, rassure quant à la solidité d'une construction ;
  • Pour autant elle se situe, à volume égal, en retrait de la terre cuite (briques) et, plus encore, du béton armé ;
  • En conséquence elle pèse à 70 % (béton armé) - 75 % (brique de terre cuite) sur le soubassement, les fondations et, in fine, sur le sol qui reçoit la construction ;
  • La pierre massive calcaire  allie donc la robustesse à un moindre besoin de soutien (ou, à soutien égal, permet d'accroître le poids qu'elle porte, par exemple celui d'une toiture).
UNE RÉSISTANCE À LA COMPRESSION SUFFISANTE ET SÉCURISÉE
La pierre calcaire ne présente pas - en résistance à la compression - les mêmes aptitudes que certains matériaux de construction (béton armé ou béton cellulaire) :
Elle bénéficie en revanche d'un coefficient de sécurité supérieur à celui des matériaux traditionnels, autrement dit la marge entre une charge ultime (à la rupture) et une charge normale est plus large dans le cas de la pierre calcaire :
(Les charges centrées concernent les murs de refend, tandis que les charges excentrées s'appliquent aux murs de façade).
Pour une construction à deux étages, soit 6 m de haut, et en tenant compte d'un élancement fixé à 15 (hauteur maximale admissible = 15 X largeur du mur), il ressort que la pierre massive calcaire en bloc de 40 cm de large répond aux sollicitations mécaniques exigées, donc est admissible en tant qu'élément structurant.
Dans le cas d'une construction de plain-pied, un bloc de 20-25 cm suffit à satisfaire aux conditions :
Pourvue de nombreuses qualiés qui militent en faveur de son adoption en tant que mode constructif abouti, la pierre massive en général - et sa version calcaire en particulier - dispose d'un dernier atout, celui d'une large disponibilité géographique.
LA LOCALISATION DES CARRIÈRES DE PIERRE
À l'image du chanvre - par l'intermédiaire des chanvrières -, la pierre massive - par la densité des carrières - s'impose ainsi comme un matériau de proximité.
QUELQUES RÉALISATIONS EN PIERRE MASSIVE CALCAIRE
De manière à bien saisir le grand intérêt qu'il y a à choisir la pierre massive calcaire en tant que mode constructif, deux points sont à considérer en premier :
  • le rôle, à la fois précurseur et entraînant, joué par l'architecte Gilles Perraudin ;
  • des constructions montrant que ce matériau possède, entre autres, des qualités mécaniques rassurantes, même dans des projets d'envergure.
GILLES PERRAUDIN - INGÉNIEUR & ARCHITECTE
Lorsqu'en 2024, le Ministère de la Culture décerne à l'agence de Gilles Perraudin le Grand Prix National de l'Architecture, il met en lumière et récompense à juste titre une activité de près de cinquante ans, tournée vers l'utilisation des matériaux naturels, dont la pierre massive.
C'est d'ailleurs pour son besoin personnel - avec la construction de son chai à Vauvert en 1998 - qu'il la propulse sur le devant de la scène constructive.
LE CHAI DE VAUVERT
  • Bâtiment de 30 m X 30 m réalisé en pierre de Vers-Pont-Du-Gard par blocs de 52 cm d'épaisseur, montés à sec, et constituant des travées de 5,20 m de large ;
  • Durée totale du chantier = 1 mois ; 
  • Toiture lourde, couverte de terre qui constitue un bouclier thermique, reposant sur des poutres en réseau qui porte un platelage en bois continu.
Une vingtaine d'années plus tard, Gilles Perraudin a évidemment acquis de l'expérience et du savoir-faire, d'autant qu'il a en 2017 fondé son agence avec son fils.
Il en ressort un dynamisme créatif multiplié, conduisant à des projets d'envergure supérieure, dont celui mené à Plan-Les-Ouates (dans la banlieue de Genève) et achevé en 2021.
Ici le défi était d'associer la faisabilité technique et la faisabilité financière d'un projet reposant sur l'association de la pierre massive calcaire et du bois... défi relevé !
LES IMMEUBLES À GENÈVE
  • 2 bâtiments de 21 m X 21 m pour 68 logements.
  • 10 000 blocs au total dont des blocs de 190 X 80 en 40 cm d'épaisseur pour l'ossature principale.
  • réalisé au moyen de trois pierres massives :
la pierre de Brétigny en soubassement, appuis de fenêtre et corniche, choisie pour sa résistance à la compression et sa meilleure résistance au gel ;
la pierre de Migné en éléments de façade et en couronne intermédiaire, car moins dure et moins résistante au gel ;
la pierre d'Estaillades exclusivement en couronne intérieure, car plus poreuse et trop faible contre le gel.
LA PIERRE DE FONTBELLE
Moins connue, moins utilisée que la pierre de Vert-Pont-Du-Gard, la pierre de Fontbelle - aussi nommée pierre de Brantôme et pierre d’Angoulème pour des bâtiments anciens - propose une finition de couleur ivoire plutôt originale et repose sur une très intéressante combinaison de caractéristiques : une porosité élevée associée à une résistance à la compression suffisante pour une masse volumique apparente raisonnable :
ANGOULÊME - LE CAMPUS DE L'IMAGE
BRANTÔME - L'ABBAYE
Répertoriée dès le XIIe siècle, remaniée et étendue jusqu'au XIXe siècle, l'abbaye de Brantôme présente l'immense intérêt d'une utilisation locale du matériau de construction : c'est en effet dans la falaise au nord-ouest, à partir des cavités ayant constitué des habitations troglodytes, qu'on été créées les carrières d'extraction de la pierre.
Si la pierre de Brantôme n'existe plus commercialement, elle n'en est pas moins une variante de la pierre de Fontbelle, dorénavant seule à être commercialisée et pourvue de l'IGP.
Une annexe qui n'est pas inscrite dans le parcours de visite, mais qu'il est parfois commode de trouver...
Ici c'est l'utilisation contemporaine de la pierre massive !
UNE MAISON À MILLAU
Construite en 2011, cette maison individuelle représente un cas réel, destiné aux particuliers, de l'utilisation de la pierre massive calcaire.
Extraite à distance raisonnable (180 km), la pierre tendre est accompagnée en soubassement d'une pierre massive dure locale, de faible porosité et de forte résistance à la compression.
Il faut aussi retenir la réalisation extrêmement rapide du gros œuvre : 9 jours à 3 personnes pour poser tous les blocs de pierre, 1 heure et 15 minutes pour la charpente constituée de 4 poutres en lamellé-collé et 2 jours pour la couverture.
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